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Clap Ciné du 5 novembre : « La femme la plus riche du monde » et « Les Braises »
Publié le 5 novembre, 2025

« La femme la plus riche du monde »

En s’inspirant de l’ « Affaire Bettencourt » (la relation de la milliardaire Liliane Bettencourt avec le photographe mondain François-Marie Banier, accusé d’abus de faiblesse et en fin de compte condamné en justice), Thierry Klifa (« Une vie à t’attendre », « Les yeux de sa mère », « Tout nous sépare ») plonge dans l’intimité d’une milliardaire esseulée.  Il raconte l’histoire de Marianne Farrère, cette « femme la plus riche du monde » qui s’ennuie.  Elle mène une vie à la fois paisible et monotone entre conseils d’administration et réunions de famille dans son immense villa de la banlieue parisienne jusqu’au jour où Pierre-Antoine Fantin, un fantasque et opportuniste photographe débarque dans sa vie.

Il la sort de son quotidien « rituélique » et « formaté » et elle se montre très généreuse avec lui.  Cette « intrusion » va bouleverser l’équilibre déjà précaire de cette famille où l’argent n’est ni un problème ni un souci et où personne n’aime réellement l’autre …

Thierry Klifa décortique habilement les ressorts de cette relation artificielle, bancale et intéressée, à la fois toxique et fascinante, qui bouleverse les codes et les usages d’un milieu raide et figé.  Cette plongée dans cette famille dysfonctionnelle fait souvent rire et sidère par son cynisme et son outrecuidance, en faisant ainsi basculer le « drame social » de fond vers une farce tragi-comique.

La mise en scène est sobre et efficace, avec des dialogues très trempés, des situations volontairement exagérées et une certaine forme de théâtralité dans certaines scènes portées par un casting en or massif : Isabelle Huppert, impériale dans le rôle titre, Laurent Lafitte, joyeusement outrancier et cynique dans le rôle du dandy « intrus » et Marina Foïs qui joue, avec une habileté un peu perfide, la fille mal aimée de sa mère, au caractère émotionnellement instable.

« Les Braises »

Thomas Kruithof (« La mécanique de l’ombre », « Les Promesses ») s’attache, au départ, à la vie d’un couple très ordinaire, Karine et Jimmy, toujours uni après 20 ans de vie commune et parents de deux adolescents bien équilibrés.

Karine travaille dans une usine alimentaire ; Jimmy, chauffeur routier, s’acharne à conforter sa petite entreprise.

Quand surgit le mouvement des Gilets Jaunes, en octobre 2018, Karine s’implique dans un petit collectif et s’engage dans ce combat pour le changement, la justice sociale, un monde meilleur.  Mais à mesure que son engagement grandit, elle s’éloigne un peu de Jimmy et leur couple vacille …

Thomas Kruithof raconte d’abord l’histoire de ce coupe fissuré par des événements extérieurs, avec deux vies quotidiennes qui évoluent différemment et de plus en plus séparément …

C’est aussi l’occasion de replonger dans la genèse et l’évolution de ce mouvement spontané et non structuré des Gilets Jaunes : l’enthousiasme initial, la passion presque insouciante soulevée par ce vent de liberté puis les premières désillusions et les discussions internes, l’inopérance des actions de masse, la montée d’une violence un peu débridée, les interventions policières …

Au début, Karine s’y investit innocemment, presque naïvement, un peu grisée par l’ambiance collective et le plaisir ‘échanger avec des inconnus … avec cette impression de se libérer elle-même qui la pousse à aller de plus en plus loin.

De son côté, Jimmy sillonne les routes, avec toujours plus de transports pour faire vivre sa boîte, insensible aux actions des Gilets Jaunes qui « ne servent à rien » pense-t-il mais surtout meurtri par le comportement de Karine qui s’éloigne de lui ..

Deux existences perturbées et menacées par les aléas du monde du travail.

Dans sa mise en scène, Thomas Kruithof reste à « hauteur humaine » tout près de ses personnages, dans leur propre identité : pas de scènes spectaculaires, ni dans des manifestations pour Karine, ni sur les routes pour Jimmy.  Des moments de crise d’une aventure humaine, où l’amour reste sous-jacent, tout simplement.

Virginie Efira et Arieh Worthalter ont trouvé le ton juste et la sensibilité naturelle pour les rendre crédibles et touchants car finalement … proche de nous !

André CEUTERICK

Réécoutez Clap Ciné en podcast !

Clap Ciné du 5 novembre : « La femme la plus riche du monde » et « Les Braises »
Publié le 5 novembre, 2025

« La femme la plus riche du monde »

En s’inspirant de l’ « Affaire Bettencourt » (la relation de la milliardaire Liliane Bettencourt avec le photographe mondain François-Marie Banier, accusé d’abus de faiblesse et en fin de compte condamné en justice), Thierry Klifa (« Une vie à t’attendre », « Les yeux de sa mère », « Tout nous sépare ») plonge dans l’intimité d’une milliardaire esseulée.  Il raconte l’histoire de Marianne Farrère, cette « femme la plus riche du monde » qui s’ennuie.  Elle mène une vie à la fois paisible et monotone entre conseils d’administration et réunions de famille dans son immense villa de la banlieue parisienne jusqu’au jour où Pierre-Antoine Fantin, un fantasque et opportuniste photographe débarque dans sa vie.

Il la sort de son quotidien « rituélique » et « formaté » et elle se montre très généreuse avec lui.  Cette « intrusion » va bouleverser l’équilibre déjà précaire de cette famille où l’argent n’est ni un problème ni un souci et où personne n’aime réellement l’autre …

Thierry Klifa décortique habilement les ressorts de cette relation artificielle, bancale et intéressée, à la fois toxique et fascinante, qui bouleverse les codes et les usages d’un milieu raide et figé.  Cette plongée dans cette famille dysfonctionnelle fait souvent rire et sidère par son cynisme et son outrecuidance, en faisant ainsi basculer le « drame social » de fond vers une farce tragi-comique.

La mise en scène est sobre et efficace, avec des dialogues très trempés, des situations volontairement exagérées et une certaine forme de théâtralité dans certaines scènes portées par un casting en or massif : Isabelle Huppert, impériale dans le rôle titre, Laurent Lafitte, joyeusement outrancier et cynique dans le rôle du dandy « intrus » et Marina Foïs qui joue, avec une habileté un peu perfide, la fille mal aimée de sa mère, au caractère émotionnellement instable.

« Les Braises »

Thomas Kruithof (« La mécanique de l’ombre », « Les Promesses ») s’attache, au départ, à la vie d’un couple très ordinaire, Karine et Jimmy, toujours uni après 20 ans de vie commune et parents de deux adolescents bien équilibrés.

Karine travaille dans une usine alimentaire ; Jimmy, chauffeur routier, s’acharne à conforter sa petite entreprise.

Quand surgit le mouvement des Gilets Jaunes, en octobre 2018, Karine s’implique dans un petit collectif et s’engage dans ce combat pour le changement, la justice sociale, un monde meilleur.  Mais à mesure que son engagement grandit, elle s’éloigne un peu de Jimmy et leur couple vacille …

Thomas Kruithof raconte d’abord l’histoire de ce coupe fissuré par des événements extérieurs, avec deux vies quotidiennes qui évoluent différemment et de plus en plus séparément …

C’est aussi l’occasion de replonger dans la genèse et l’évolution de ce mouvement spontané et non structuré des Gilets Jaunes : l’enthousiasme initial, la passion presque insouciante soulevée par ce vent de liberté puis les premières désillusions et les discussions internes, l’inopérance des actions de masse, la montée d’une violence un peu débridée, les interventions policières …

Au début, Karine s’y investit innocemment, presque naïvement, un peu grisée par l’ambiance collective et le plaisir ‘échanger avec des inconnus … avec cette impression de se libérer elle-même qui la pousse à aller de plus en plus loin.

De son côté, Jimmy sillonne les routes, avec toujours plus de transports pour faire vivre sa boîte, insensible aux actions des Gilets Jaunes qui « ne servent à rien » pense-t-il mais surtout meurtri par le comportement de Karine qui s’éloigne de lui ..

Deux existences perturbées et menacées par les aléas du monde du travail.

Dans sa mise en scène, Thomas Kruithof reste à « hauteur humaine » tout près de ses personnages, dans leur propre identité : pas de scènes spectaculaires, ni dans des manifestations pour Karine, ni sur les routes pour Jimmy.  Des moments de crise d’une aventure humaine, où l’amour reste sous-jacent, tout simplement.

Virginie Efira et Arieh Worthalter ont trouvé le ton juste et la sensibilité naturelle pour les rendre crédibles et touchants car finalement … proche de nous !

André CEUTERICK

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