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Clap Ciné du 9 juillet : « La pie voleuse » et « L’accident de piano »
Publié le 9 juillet, 2025

« La pie voleuse »

Robert Guédiguian, c’est un vétéran du cinéma français, auteur, scénariste, producteur, un homme à part qui, depuis 45 ans construit une œuvre personnelle, profondément ancrée dans les réalités sociales et humaines de l’Estaque, ce quartier populaire de Marseille qui constitue le cadre, la toile de fond, la vie ambiante de ses récits.  On se souvient de son premier film « Dernier été » (1981) et de tant d’autres par la suite comme de « Rouge Midi » (1985), de « Marius et Jeannette » (1997), sélectionné au festival de Cannes, de « Marie-Jo et ses deux amours » (2006), etc. …  Guédiguian, c’est aussi un cinéma d’ensemble, une âme collective que porte ses acteurs « historiques », comme Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin et Gérard Meylan.

Dans « La pie voleuse », on retrouve tout cela, qui fait le cinéma social et poétique de Guédiguian, fondamentalement engagé dans la défense de l’humanité de ces braves gens, simples et anonymes, dont il observe le quotidien avec une si généreuse bienveillance.

« La pie voleuse », c’est le nom d’un magasin de musique qui a subi un braquage nocturne et où on doit refaire tous les documents, dont un chèque remis en caution pour la location d’un piano, ce qui déclenchera un peu plus tard, une petite crise chez certaines personnes du quartier.

Parmi elles, Maria, auxiliaire de vie, qui a pris l’habitude de subtiliser un peu d’argent à ses « clients » dont elle s’occupe néanmoins avec dévouement et à qui elle donne une sincère affection.  Mais Maria, la soixantaine, n’a pas une vie facile : son mari, retraité qui perd beaucoup d’argent au jeu et puis il y a son petit fils, dont les parents ont des métiers à faible revenu et qui développe un don pour le piano.  Alors, Maria va « voler » Robert, un homme esseulé qui se déplace en chaise roulante : un chèque pour un piano, un peu d’argent, pour les leçons de musique.

Guédiguian tisse ainsi une intrigue intime et sensible où de petits larcins, répréhensibles sans doute, n’affectent en rien la bonté et l’altruisme de cette Maria au grand cœur.  Guédiguian filme une certaine misère sociale avec respect et dignité, en développant aussi, au niveau des personnages secondaires, quelques digressions positives.

L’émotion est là, latente, naturelle, jamais démonstrative, qui nous saisit le cœur, en un point culminant, lorsque Darroussin, pour convaincre un interlocuteur de sa pleine salubrité d’esprit lui récite la dernière strophe du magnifique poème de Victor Hugo, « Les pauvres gens ».

Un symbole puissant qui fait écho à cette histoire pleine de bonté.

« L’accident de piano »

C’est déjà le 14ème film de Quentin Dupieux (« Yannick », « Le daim », « Incroyable mais vrai », etc. …), réalisateur bizarre, surréaliste, irrationnel, complètement décalé, ce qui rend ses films parfois un peu hermétiques et abscons.

« L’accident de piano » est sans doute plus clair, plus accessible à la compréhension, au premier degré mais toujours aussi cynique, aussi absurde, aussi cruellement drôle.

Magalie est devenue, sous le pseudonyme de « Magaloche » une star des réseaux  sociaux en tournant des mini-vidéos chocs d’une dizaine de secondes avec son téléphone où elle s’auto-mutile avec des objets toujours plus dangereux.  Incapable de ressentir la douleur, Magalie veut aller toujours plus loin …

Ainsi, entre autres idées délirantes, Magalie a imaginé filmer une vidéo dans laquelle un piano serait lâché sur elle de plusieurs mètres de hauteur.  Le technicien refuse, Magalie se fâche, la dispute tourne mal … on perd le contrôle et cet « accident de piano » coûte la vie à la maquilleuse …

C’est par l’entremise de Simone, une journaliste qui « arrache », par chantage, une interview à Magali, cette influenceuse cinglée devenue richissime grâce à des vidéos  d’automutilation … C’est tout à fait dingue mais c’est ainsi que Quentin  Dupieux stigmatise les réseaux sociaux et ces faiseurs de news clash, influenceurs d’une masse collective avide de sensations fortes, prêts à tout pour en obtenir la reconnaissance hystérique.

Dupieux avait déjà traité ce thème de la célébrité dans deux films précédents : « Daaaaaali ! » et « Le deuxième acte » mais pas de manière aussi frontale.  Ici, c’est direct, grinçant et … cruellement drôle.  Ce qui fait de « L’accident de piano », un film qui dérange et qui crée le malaise.

Dans le rôle de Magalie, Adèle Exarchopoulos, très « magaloche », casse complètement son image avec une minerve autour du cou, un bras cassé en écharpe, des cheveux courts mal coupés et les poignets cerclés de bracelets clinquants.  La perfection d’un burlesque de mauvais aloi.  Une comédie féroce et noire sur les travers de notre temps.

André CEUTERICK

Clap Ciné du 9 juillet : « La pie voleuse » et « L’accident de piano »
Publié le 9 juillet, 2025

« La pie voleuse »

Robert Guédiguian, c’est un vétéran du cinéma français, auteur, scénariste, producteur, un homme à part qui, depuis 45 ans construit une œuvre personnelle, profondément ancrée dans les réalités sociales et humaines de l’Estaque, ce quartier populaire de Marseille qui constitue le cadre, la toile de fond, la vie ambiante de ses récits.  On se souvient de son premier film « Dernier été » (1981) et de tant d’autres par la suite comme de « Rouge Midi » (1985), de « Marius et Jeannette » (1997), sélectionné au festival de Cannes, de « Marie-Jo et ses deux amours » (2006), etc. …  Guédiguian, c’est aussi un cinéma d’ensemble, une âme collective que porte ses acteurs « historiques », comme Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin et Gérard Meylan.

Dans « La pie voleuse », on retrouve tout cela, qui fait le cinéma social et poétique de Guédiguian, fondamentalement engagé dans la défense de l’humanité de ces braves gens, simples et anonymes, dont il observe le quotidien avec une si généreuse bienveillance.

« La pie voleuse », c’est le nom d’un magasin de musique qui a subi un braquage nocturne et où on doit refaire tous les documents, dont un chèque remis en caution pour la location d’un piano, ce qui déclenchera un peu plus tard, une petite crise chez certaines personnes du quartier.

Parmi elles, Maria, auxiliaire de vie, qui a pris l’habitude de subtiliser un peu d’argent à ses « clients » dont elle s’occupe néanmoins avec dévouement et à qui elle donne une sincère affection.  Mais Maria, la soixantaine, n’a pas une vie facile : son mari, retraité qui perd beaucoup d’argent au jeu et puis il y a son petit fils, dont les parents ont des métiers à faible revenu et qui développe un don pour le piano.  Alors, Maria va « voler » Robert, un homme esseulé qui se déplace en chaise roulante : un chèque pour un piano, un peu d’argent, pour les leçons de musique.

Guédiguian tisse ainsi une intrigue intime et sensible où de petits larcins, répréhensibles sans doute, n’affectent en rien la bonté et l’altruisme de cette Maria au grand cœur.  Guédiguian filme une certaine misère sociale avec respect et dignité, en développant aussi, au niveau des personnages secondaires, quelques digressions positives.

L’émotion est là, latente, naturelle, jamais démonstrative, qui nous saisit le cœur, en un point culminant, lorsque Darroussin, pour convaincre un interlocuteur de sa pleine salubrité d’esprit lui récite la dernière strophe du magnifique poème de Victor Hugo, « Les pauvres gens ».

Un symbole puissant qui fait écho à cette histoire pleine de bonté.

« L’accident de piano »

C’est déjà le 14ème film de Quentin Dupieux (« Yannick », « Le daim », « Incroyable mais vrai », etc. …), réalisateur bizarre, surréaliste, irrationnel, complètement décalé, ce qui rend ses films parfois un peu hermétiques et abscons.

« L’accident de piano » est sans doute plus clair, plus accessible à la compréhension, au premier degré mais toujours aussi cynique, aussi absurde, aussi cruellement drôle.

Magalie est devenue, sous le pseudonyme de « Magaloche » une star des réseaux  sociaux en tournant des mini-vidéos chocs d’une dizaine de secondes avec son téléphone où elle s’auto-mutile avec des objets toujours plus dangereux.  Incapable de ressentir la douleur, Magalie veut aller toujours plus loin …

Ainsi, entre autres idées délirantes, Magalie a imaginé filmer une vidéo dans laquelle un piano serait lâché sur elle de plusieurs mètres de hauteur.  Le technicien refuse, Magalie se fâche, la dispute tourne mal … on perd le contrôle et cet « accident de piano » coûte la vie à la maquilleuse …

C’est par l’entremise de Simone, une journaliste qui « arrache », par chantage, une interview à Magali, cette influenceuse cinglée devenue richissime grâce à des vidéos  d’automutilation … C’est tout à fait dingue mais c’est ainsi que Quentin  Dupieux stigmatise les réseaux sociaux et ces faiseurs de news clash, influenceurs d’une masse collective avide de sensations fortes, prêts à tout pour en obtenir la reconnaissance hystérique.

Dupieux avait déjà traité ce thème de la célébrité dans deux films précédents : « Daaaaaali ! » et « Le deuxième acte » mais pas de manière aussi frontale.  Ici, c’est direct, grinçant et … cruellement drôle.  Ce qui fait de « L’accident de piano », un film qui dérange et qui crée le malaise.

Dans le rôle de Magalie, Adèle Exarchopoulos, très « magaloche », casse complètement son image avec une minerve autour du cou, un bras cassé en écharpe, des cheveux courts mal coupés et les poignets cerclés de bracelets clinquants.  La perfection d’un burlesque de mauvais aloi.  Une comédie féroce et noire sur les travers de notre temps.

André CEUTERICK