« Anora»
La palme d’or du dernier festival de Cannes : « Anora », de Sean Baker, un film coup de poing, coup de cœur, coup d’amour et de cruauté, une histoire forte, audacieuse, qui donné une profonde sensation d’angoisse et de malaise.
A New-York, du côté de Brighton Beach, Anora est escort girl et strip-teaseuse. Un soir, elle est invitée par Ivan, un jeune russe, fils d’un riche oligarque, dans le salon VIP et elle danse pour lui. Un peu plus tard, il l’invite dans sa somptueuse villa privée et la paie pour coucher avec lui. Elle le fréquente régulièrement jusqu’à devenir sa « petite amie » exclusive, sa presque « propriété », ce pour quoi elle négocie un bon salaire.
C’est le début d’une existence oisive, dorée, ultra festive, de sexe, d’alcool et de drogue. Lors d’un week-end improvisé à Las Vegas ils se marient … mais pour Anora, le conte de fée s’arrête très vite quand les hommes de main puis les parents d’Ivan, insupportable gamin écervelé s’en mêlent …
« Anora », c’est une comédie dramatique assez délirante, pleine de folie, d’éclats de rire, d’émotion fortes, de sensualité brute et virulente, de clins d’œil satiriques aussi sur cette jeunesse dorée russe complètement abrutie par le pouvoir mafieux d’un système social perverti. Mais « Anora », c’est aussi un étonnant et très prenant portrait de femme, mi fatale insaisissable, mi cendrillon idéalisée, une belle fille de banlieue et de bar, en quête du très illusoire bonheur du rêve américain. A travers elle, pour qui on éprouve de la compassion voire une certaine empathie, Sean Baker brosse le portrait d’une Amérique clinquante, sordide, en lancinante perdition.
Dans le rôle titre d’Anora, il y a cette incroyable actrice Mikey Madison à que le jury du festival de Cannes aurait pu gratifier d’un prix d’interprétation si elle n’avait été aspirée par le tourbillon de la palme d’or.
« Juré n° 2»
C’est le 40ème long métrage de Clint Eastwood, en tant que réalisateur, 94 ans et d’une incroyable lucidité.
Son dernier film « Cry Macho » semblait un peu poussif et l’acteur quand même fatigué. Mais ce « Jury n° 2 » atteste qu’il a toujours la juste réflexion (en l’occurrence ici sur la justice), le sens du thriller et du suspense et la capacité à mettre en scène une histoire ambiguë, avec des personnages complexes, moralement perturbés.
Le juré n°2, c’est Justin Kemp, citoyen de Géorgie qui a été tiré au sort pour siéger dans le jury du procès de James Sythe, un homme soupçonné d’avoir tué sa compagne sur une route de campagne un an plus tôt. Justin est un homme ordinaire ancien alcoolique et qui va bientôt être père.
Le scénario fort, intense, reprend le concept du légendaire « 12 hommes en colère » (1957) de Sidney Lumet où le 8ème juré (magistralement interprété par Henri Fonda) jette progressivement le doute dans l’esprit de ses collègues sur la presque évidente culpabilité de l’accusé. Justin, le 2ème juré de Clint Eastwood, pourrait faire de même d’autant plus qu’il a de bonnes raisons (voire une certitude) de croire que ce James Sythe est innocent. En effet, la date et le lieu des faits lui font comprendre qu’il pourrait avoir été responsable de la mort de la jeune femme, lui qui pensait avoir percuté un cerf avec sa voiture cette nuit-là.
Eastwood ne s’attarde pas dans la dynamique des débats du jury et du procès lui-même mais se focalise sur le dilemme moral qui ronge son personnage. Il se fixe sur Justin, partage ses états d’âme, met en exergue son sentiment de culpabilité. En parallèle, il y a le comportement d’un autre juré, un ancien flic, qui mène discrètement sa propre enquête, et celui de la procureure dont les convictions sont fragilisées.
« Juré n°2 » est une formidable fable morale, empreinte de bon sens et d’une certaine noblesse de cœur, soutenue par une pertinente analyse du mécanisme judiciaire et de ses principaux ingrédients (la personnalité et l’attitude des jurés, les délibérations, le rôle des magistrats, etc. …).
Non Eastwood n’a pas encore signé son dernier film. Que du contraire : sa maîtrise de l’art cinématographique semble vouée à l’éternité.
André CEUTERICK
« Anora»
La palme d’or du dernier festival de Cannes : « Anora », de Sean Baker, un film coup de poing, coup de cœur, coup d’amour et de cruauté, une histoire forte, audacieuse, qui donné une profonde sensation d’angoisse et de malaise.
A New-York, du côté de Brighton Beach, Anora est escort girl et strip-teaseuse. Un soir, elle est invitée par Ivan, un jeune russe, fils d’un riche oligarque, dans le salon VIP et elle danse pour lui. Un peu plus tard, il l’invite dans sa somptueuse villa privée et la paie pour coucher avec lui. Elle le fréquente régulièrement jusqu’à devenir sa « petite amie » exclusive, sa presque « propriété », ce pour quoi elle négocie un bon salaire.
C’est le début d’une existence oisive, dorée, ultra festive, de sexe, d’alcool et de drogue. Lors d’un week-end improvisé à Las Vegas ils se marient … mais pour Anora, le conte de fée s’arrête très vite quand les hommes de main puis les parents d’Ivan, insupportable gamin écervelé s’en mêlent …
« Anora », c’est une comédie dramatique assez délirante, pleine de folie, d’éclats de rire, d’émotion fortes, de sensualité brute et virulente, de clins d’œil satiriques aussi sur cette jeunesse dorée russe complètement abrutie par le pouvoir mafieux d’un système social perverti. Mais « Anora », c’est aussi un étonnant et très prenant portrait de femme, mi fatale insaisissable, mi cendrillon idéalisée, une belle fille de banlieue et de bar, en quête du très illusoire bonheur du rêve américain. A travers elle, pour qui on éprouve de la compassion voire une certaine empathie, Sean Baker brosse le portrait d’une Amérique clinquante, sordide, en lancinante perdition.
Dans le rôle titre d’Anora, il y a cette incroyable actrice Mikey Madison à que le jury du festival de Cannes aurait pu gratifier d’un prix d’interprétation si elle n’avait été aspirée par le tourbillon de la palme d’or.
« Juré n° 2»
C’est le 40ème long métrage de Clint Eastwood, en tant que réalisateur, 94 ans et d’une incroyable lucidité.
Son dernier film « Cry Macho » semblait un peu poussif et l’acteur quand même fatigué. Mais ce « Jury n° 2 » atteste qu’il a toujours la juste réflexion (en l’occurrence ici sur la justice), le sens du thriller et du suspense et la capacité à mettre en scène une histoire ambiguë, avec des personnages complexes, moralement perturbés.
Le juré n°2, c’est Justin Kemp, citoyen de Géorgie qui a été tiré au sort pour siéger dans le jury du procès de James Sythe, un homme soupçonné d’avoir tué sa compagne sur une route de campagne un an plus tôt. Justin est un homme ordinaire ancien alcoolique et qui va bientôt être père.
Le scénario fort, intense, reprend le concept du légendaire « 12 hommes en colère » (1957) de Sidney Lumet où le 8ème juré (magistralement interprété par Henri Fonda) jette progressivement le doute dans l’esprit de ses collègues sur la presque évidente culpabilité de l’accusé. Justin, le 2ème juré de Clint Eastwood, pourrait faire de même d’autant plus qu’il a de bonnes raisons (voire une certitude) de croire que ce James Sythe est innocent. En effet, la date et le lieu des faits lui font comprendre qu’il pourrait avoir été responsable de la mort de la jeune femme, lui qui pensait avoir percuté un cerf avec sa voiture cette nuit-là.
Eastwood ne s’attarde pas dans la dynamique des débats du jury et du procès lui-même mais se focalise sur le dilemme moral qui ronge son personnage. Il se fixe sur Justin, partage ses états d’âme, met en exergue son sentiment de culpabilité. En parallèle, il y a le comportement d’un autre juré, un ancien flic, qui mène discrètement sa propre enquête, et celui de la procureure dont les convictions sont fragilisées.
« Juré n°2 » est une formidable fable morale, empreinte de bon sens et d’une certaine noblesse de cœur, soutenue par une pertinente analyse du mécanisme judiciaire et de ses principaux ingrédients (la personnalité et l’attitude des jurés, les délibérations, le rôle des magistrats, etc. …).
Non Eastwood n’a pas encore signé son dernier film. Que du contraire : sa maîtrise de l’art cinématographique semble vouée à l’éternité.
André CEUTERICK