«Emmanuelle»
L’un des événements de cette rentrée cinéma, c’est bien sûr la sortie de « Emmanuelle », la nouvelle adaptation – je dirais plutôt réappropriation – du roman culte de Emmanuelle Arsan, paru en 1959, par Audrey DIWAN, la réalisatrice franco-libanaise qui reçut le Lion d’Or à la Mostra de Venise en 2021 pour le film « L’événement » déjà une transposition littéraire du roman éponyme d’Annie Ernaux.
On pense évidemment à la première version, le film culte de Just Jaeckin, en 1974, avec Sylvia Kristel dans le rôle titre.
Je suis assez partagé face au film d’Audrey DIWAN. D’une part, il y a son indéniable talent de scénariste-cinéaste et sa très forte personnalité, d’autre part il y a le personnage original, devenu mythique en tant que tel, que JAECKIN avait fidèlement transposé du roman de base, avec la fascination de ce premier degré qui avait chamboulé la planète cinéma. Et fait exploser le box office international.
Emmanuelle va à Hong Kong pour évaluer la gestion d’un des hôtels de luxe du groupe pour lequel elle travaille. Elle y rencontre Kei, un homme mystérieux, qui semble devoir constamment lui échapper.
Dans ce lieu brillant et fastueux, Emmanuelle déambule, observe et se glisse dans une ambiance raffinée et sensuelle, où elle vit une passade érotique avec Zelda, l’une des « courtisanes » de l’hôtel et où Kei se dérobe à elle, déjouant sa quête du plaisir jusqu’à la lassitude et à l’ennui …
Dans une mise en scène très léchée, esthétisante et épurée, Audrey DIWAN interroge sur le désir, l’excitation, les rapports de force dans les jeux érotiques, nourrissant ainsi, avec une sensibilité presque désexualisée, une réflexion « contemporaine » sur un érotisme dénué de tous ses clichés communs.
Je serai néanmoins nostalgique des charmes si généreusement dévoilés de Sylvia Kristel et de son légendaire fauteuil de rotin.
«Dahomey»
En 2019, la cinéaste franco-sénégalaise Mati DIOP obtenait le Grand Prix du festival de Cannes pour son premier long métrage « Atlantique » qui racontait le rêve insensé d’ouvriers sénégalais cherchant à quitter le Sénégal par l’océan.
Dans « Dahomey », Ours d’Or au dernier festival de Berlin, elle s’intéresse à un événement historique remarquable. Le 9 novembre 2021, 26 trésors royaux du Dahomey, pillés par les troupes coloniales françaises à la fin du 19ème siècle, allaient quitter le musée du quai Branly à Paris pour retourner dans leur pays d’origine qui s’appelle désormais le Bénin, à la faveur d’un traité de restitution voté quelques mois plus tôt, 26 sur plusieurs milliers …
Le film commence par un écran noir, et par une voix off qui s’exprime dans l’une des langues autochtones du Bénin. C’est la pièce 26 de la collection qui parle, ancienne statue du roi Ghézo, en bois peint, métal et fibre, pesant 220 kg, trace symbolique d’un passé déjà séculaire. Elle s’envole vers Cotonou où elle se demande ce qui l’attend …
Noble et belle idée de cinéma que celle de Mati DIOP qui fait parler la statue selon un texte écrit par l’auteur haïtien Makenzy Orcel, un discours grave, venant d’outre tombe, comme dans un film fantastique, un discours qui en appelle d’autres, plus tard dans le film, ceux des étudiants d’une université de la ville qui échangent avec force et passion sur des sujets que leur inspire cette expédition : quel est son réel sens politique ? Une tardive reconnaissance d’un acte colonial honteux ? Une opération « bonne conscience » pour la France ? Une aumône faussement humanitaire à un pays spolié et meurtri ?
A partir de tant de pertinentes discussions, se pose le problème fondamental de la décolonisation et de cette autre forme actuelle de colonisation ?
Mati DIOP fait acte de mémoire autant qu’elle interpelle le monde sur les rapports de force entre les anciennes puissances coloniales et ces peuples aujourd’hui réputés libres mais asservis d’une autre manière.
André CEUTERICK
«Emmanuelle»
L’un des événements de cette rentrée cinéma, c’est bien sûr la sortie de « Emmanuelle », la nouvelle adaptation – je dirais plutôt réappropriation – du roman culte de Emmanuelle Arsan, paru en 1959, par Audrey DIWAN, la réalisatrice franco-libanaise qui reçut le Lion d’Or à la Mostra de Venise en 2021 pour le film « L’événement » déjà une transposition littéraire du roman éponyme d’Annie Ernaux.
On pense évidemment à la première version, le film culte de Just Jaeckin, en 1974, avec Sylvia Kristel dans le rôle titre.
Je suis assez partagé face au film d’Audrey DIWAN. D’une part, il y a son indéniable talent de scénariste-cinéaste et sa très forte personnalité, d’autre part il y a le personnage original, devenu mythique en tant que tel, que JAECKIN avait fidèlement transposé du roman de base, avec la fascination de ce premier degré qui avait chamboulé la planète cinéma. Et fait exploser le box office international.
Emmanuelle va à Hong Kong pour évaluer la gestion d’un des hôtels de luxe du groupe pour lequel elle travaille. Elle y rencontre Kei, un homme mystérieux, qui semble devoir constamment lui échapper.
Dans ce lieu brillant et fastueux, Emmanuelle déambule, observe et se glisse dans une ambiance raffinée et sensuelle, où elle vit une passade érotique avec Zelda, l’une des « courtisanes » de l’hôtel et où Kei se dérobe à elle, déjouant sa quête du plaisir jusqu’à la lassitude et à l’ennui …
Dans une mise en scène très léchée, esthétisante et épurée, Audrey DIWAN interroge sur le désir, l’excitation, les rapports de force dans les jeux érotiques, nourrissant ainsi, avec une sensibilité presque désexualisée, une réflexion « contemporaine » sur un érotisme dénué de tous ses clichés communs.
Je serai néanmoins nostalgique des charmes si généreusement dévoilés de Sylvia Kristel et de son légendaire fauteuil de rotin.
«Dahomey»
En 2019, la cinéaste franco-sénégalaise Mati DIOP obtenait le Grand Prix du festival de Cannes pour son premier long métrage « Atlantique » qui racontait le rêve insensé d’ouvriers sénégalais cherchant à quitter le Sénégal par l’océan.
Dans « Dahomey », Ours d’Or au dernier festival de Berlin, elle s’intéresse à un événement historique remarquable. Le 9 novembre 2021, 26 trésors royaux du Dahomey, pillés par les troupes coloniales françaises à la fin du 19ème siècle, allaient quitter le musée du quai Branly à Paris pour retourner dans leur pays d’origine qui s’appelle désormais le Bénin, à la faveur d’un traité de restitution voté quelques mois plus tôt, 26 sur plusieurs milliers …
Le film commence par un écran noir, et par une voix off qui s’exprime dans l’une des langues autochtones du Bénin. C’est la pièce 26 de la collection qui parle, ancienne statue du roi Ghézo, en bois peint, métal et fibre, pesant 220 kg, trace symbolique d’un passé déjà séculaire. Elle s’envole vers Cotonou où elle se demande ce qui l’attend …
Noble et belle idée de cinéma que celle de Mati DIOP qui fait parler la statue selon un texte écrit par l’auteur haïtien Makenzy Orcel, un discours grave, venant d’outre tombe, comme dans un film fantastique, un discours qui en appelle d’autres, plus tard dans le film, ceux des étudiants d’une université de la ville qui échangent avec force et passion sur des sujets que leur inspire cette expédition : quel est son réel sens politique ? Une tardive reconnaissance d’un acte colonial honteux ? Une opération « bonne conscience » pour la France ? Une aumône faussement humanitaire à un pays spolié et meurtri ?
A partir de tant de pertinentes discussions, se pose le problème fondamental de la décolonisation et de cette autre forme actuelle de colonisation ?
Mati DIOP fait acte de mémoire autant qu’elle interpelle le monde sur les rapports de force entre les anciennes puissances coloniales et ces peuples aujourd’hui réputés libres mais asservis d’une autre manière.
André CEUTERICK