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Clap Ciné du 3 juillet
Publié le 3 juillet, 2024

«Pendant ce temps sur terre ».

Le cinéaste Jérémy Clapin s’était  fait connaître de la meilleure façon possible avec un premier long métrage d’animation remarquable « J‘ai perdu mon corps » (2019) qui lui valut notamment le Grand Prix de la Semaine de la critique au Festival de Cannes et le César du meilleur film d’animation.  Clapin avait étonné par son sens de la singularité et sa capacité à maîtriser la mise en scène de genre.

Ici, il oscille entre la réalité et la science fiction, le fantastique et l’imaginaire, à partir de l’histoire faussement banale de Elsa, 23 ans, qui mène une morne existence entre son travail d’auxiliaire en EHPAD et sa passion innée pour le dessin.  Elle peine à se remettre de la disparition mystérieuse de son frère aîné Frank, astronaute, lors d’une mission dans l’espace, trois ans auparavant.

Un jour, elle est contactée depuis l’espace par une forme de vie inconnue qui prétend pouvoir ramener son frère sur terre si elle suit la consigne de trouver cinq humains dont le corps serait habité sur terre par cinq extraterrestres …

Le film bascule ainsi dans le fantastique E.T. Mais sans démonstration spectaculaire visuelle.  On ne verra jamais les extraterrestres qui n’existent que par leur voix et qui se trouvent, de manière immatérielle et invisible, quelque part au bout d’un chemin de forêt …

L’essentiel passe par l’imaginaire d’Elsa, partagée entre ses dialogues avec une voix venue d’ailleurs et sa détermination à agir pour faire revenir son frère.  C’est très subtil, sensible, presque sensitif, avec aussi cette démarche originale et déroutante de concevoir une certaine forme d’invasion de la terre par des extraterrestres …

En filigrane, il y a aussi quelques belles questions existentielles : peut-on sacrifier des vies inconnues pour en faire revenir une autre ?  Le bonheur se construit-il à partir de l’imaginaire ?  Quelle est la véritable valeur des interdépendances et rapports humains ?  Sans compter l’éternelle problématique de l’existence des extraterrestres.

«Kinds of kindness »

Le réalisateur grec Yorgos Lanthimos est, depuis quelques années, l’une des coqueluches du cinéma contemporain.  Et il fut notamment gratifié d’un grand prix à Venise en 2018 pour « La Favorite » (avec un Oscar de la meilleure actrice pour Olivia Colman) et un Lion d’Or encore à Venise en 2023 pour « Pauvres créatures » (avec un Oscar de la meilleure actrice pour Emma Stone).

On ne pouvait donc faire l’impasse sur son nouveau film « Kinds of Kindness », présenté au dernier festival de Cannes en compétition officielle et qui  valut un prix d’interprétation à son acteur principal Jesse Plemons.  Pourtant je suis perplexe et réservé sur cette satire macabre et grinçante de la soumission en amour ou de l’amour morbide divisée en trois histoires : celle d’un homme qui tente de prendre le contrôle de sa propre vie ; celle d’un policier inquiet parce que sa femme disparue en mer est de retour et qu’elle n’a plus l’air d’être comme avant ; et enfin celle d’une femme déterminée à trouver une personne bien précise dotée d’un pouvoir spécial, destinée à devenir un chef spirituel prodigieux. Trois situations très particulières, loufoques, outrancières, absurdes.

Le film consiste, globalement, en une déclinaison théorique, stylisée, froide, distanciée sur le thème de l’amour morbide, alimenté de quelques digressions sur le pouvoir exercé par un être sur un autre, le viol conjugal, les dérives sectaires, voire le cannibalisme !  Un exercice de style, subversif et provocant, certes, mais d’une grande suffisance égotique.

Reconnaissons néanmoins à  Lanthimos cette étonnante capacité à faire passer des mêmes acteurs dans des rôles et personnages très différents d’une histoire à l’autre.

Il célèbre ici le formidable potentiel dramatique de Willem Dafoe, Jesse Plemons et Emma Stone.

                                                                                                          André CEUTERICK

Clap Ciné du 3 juillet
Publié le 3 juillet, 2024

«Pendant ce temps sur terre ».

Le cinéaste Jérémy Clapin s’était  fait connaître de la meilleure façon possible avec un premier long métrage d’animation remarquable « J‘ai perdu mon corps » (2019) qui lui valut notamment le Grand Prix de la Semaine de la critique au Festival de Cannes et le César du meilleur film d’animation.  Clapin avait étonné par son sens de la singularité et sa capacité à maîtriser la mise en scène de genre.

Ici, il oscille entre la réalité et la science fiction, le fantastique et l’imaginaire, à partir de l’histoire faussement banale de Elsa, 23 ans, qui mène une morne existence entre son travail d’auxiliaire en EHPAD et sa passion innée pour le dessin.  Elle peine à se remettre de la disparition mystérieuse de son frère aîné Frank, astronaute, lors d’une mission dans l’espace, trois ans auparavant.

Un jour, elle est contactée depuis l’espace par une forme de vie inconnue qui prétend pouvoir ramener son frère sur terre si elle suit la consigne de trouver cinq humains dont le corps serait habité sur terre par cinq extraterrestres …

Le film bascule ainsi dans le fantastique E.T. Mais sans démonstration spectaculaire visuelle.  On ne verra jamais les extraterrestres qui n’existent que par leur voix et qui se trouvent, de manière immatérielle et invisible, quelque part au bout d’un chemin de forêt …

L’essentiel passe par l’imaginaire d’Elsa, partagée entre ses dialogues avec une voix venue d’ailleurs et sa détermination à agir pour faire revenir son frère.  C’est très subtil, sensible, presque sensitif, avec aussi cette démarche originale et déroutante de concevoir une certaine forme d’invasion de la terre par des extraterrestres …

En filigrane, il y a aussi quelques belles questions existentielles : peut-on sacrifier des vies inconnues pour en faire revenir une autre ?  Le bonheur se construit-il à partir de l’imaginaire ?  Quelle est la véritable valeur des interdépendances et rapports humains ?  Sans compter l’éternelle problématique de l’existence des extraterrestres.

«Kinds of kindness »

Le réalisateur grec Yorgos Lanthimos est, depuis quelques années, l’une des coqueluches du cinéma contemporain.  Et il fut notamment gratifié d’un grand prix à Venise en 2018 pour « La Favorite » (avec un Oscar de la meilleure actrice pour Olivia Colman) et un Lion d’Or encore à Venise en 2023 pour « Pauvres créatures » (avec un Oscar de la meilleure actrice pour Emma Stone).

On ne pouvait donc faire l’impasse sur son nouveau film « Kinds of Kindness », présenté au dernier festival de Cannes en compétition officielle et qui  valut un prix d’interprétation à son acteur principal Jesse Plemons.  Pourtant je suis perplexe et réservé sur cette satire macabre et grinçante de la soumission en amour ou de l’amour morbide divisée en trois histoires : celle d’un homme qui tente de prendre le contrôle de sa propre vie ; celle d’un policier inquiet parce que sa femme disparue en mer est de retour et qu’elle n’a plus l’air d’être comme avant ; et enfin celle d’une femme déterminée à trouver une personne bien précise dotée d’un pouvoir spécial, destinée à devenir un chef spirituel prodigieux. Trois situations très particulières, loufoques, outrancières, absurdes.

Le film consiste, globalement, en une déclinaison théorique, stylisée, froide, distanciée sur le thème de l’amour morbide, alimenté de quelques digressions sur le pouvoir exercé par un être sur un autre, le viol conjugal, les dérives sectaires, voire le cannibalisme !  Un exercice de style, subversif et provocant, certes, mais d’une grande suffisance égotique.

Reconnaissons néanmoins à  Lanthimos cette étonnante capacité à faire passer des mêmes acteurs dans des rôles et personnages très différents d’une histoire à l’autre.

Il célèbre ici le formidable potentiel dramatique de Willem Dafoe, Jesse Plemons et Emma Stone.

                                                                                                          André CEUTERICK