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« Captives » et « Il reste encore demain » à découvrir au cinéma
Publié le 21 mars, 2024

« C’è ancora domani » (« Il reste encore demain »)

C’est l’événement de la dernière saison cinématographique en Italie, avec plus de 5 millions de spectateurs, ce qui est devenu un véritable exploit.  Et pourtant, à première vue – mais seulement à première vue – le film semble être à contre courant de tous les poncifs actuels : tourné en noir et blanc, une histoire presque banale de l’après guerre, pas de stars reconnues, etc. …  Et pourtant, c’est un très bel hommage au grand néoréalisme italien des années 50, que nous offre Paola Cortellesi, dont c’est le premier long métrage, et qui joue aussi le rôle principal.  On y retrouve un peu l’esprit social et le sens de l’observation au quotidien de Vittorio De Sica et de son « Voleur de bicyclette Â» ;

L’histoire se passe en 1946, dans un petit village d’Italie encore occupé par les soldats américains.  Délia s’abîme dans le quotidien fastidieux, entre son mari Ivano, violent et abruti, ses deux gamins, turbulents et vulgaires, sa fille aînée Marcella qui attend avec impatience son mariage avec Giulio, le fils du riche tenancier du bar local et son beau-père Ottorino, alité, malade et irascible.

A force d’abnégation et de petits boulots à la sauvette, elle réussit à mettre discrètement un peu d’argent de côté … un petit bas de laine pour un improbable avenir surprise …

Un jour, elle reçoit une lettre à son nom personnel qui semble changer son attitude et son humeur, une lettre dont on saura par la suite qu’il s’agit de sa première carte d’électrice, puisque c’est le contexte politique essentiel du film de Paola Cotellesi : le 2 juin 1946, 13 millions d’Italiennes (sur 25 millions d’électeurs) vont voter pour la première fois.

Ainsi l’histoire faussement banale de Delia symbolise ce premier mouvement d’émancipation de la femme, ancré dans la réalité sociale et humaine d’un pays en quête de reconstruction et de ré-identification.

Pour désamorcer un peu l’aspect dramatique et le machisme oppressif qu’induit la relation entre Délia et son mari, la réalisatrice introduit quelques scènes plus légères teintées d’humour, oniriques et musicales, faisant alors référence à la comédie italienne des années 60.  Un film faussement anachronique qui nous ramène à l’essentiel.

« Captives»

Le cinéaste Arnaud des Pallières s’inspire de faits réels pour restituer la dramatique histoire de ces « captives Â» internées à l’asile pour femmes de l’Hôpital de la Salpêtrière, à Paris, à la fin du 19ème siècle.

Fanni, une jeune bourgeoise, mariée et mère de deux enfants, cherche désespérément sa mère depuis 2 ans, internée de longue date  à la Salpêtrière, et dont l’administration refuse de lui donner des nouvelles.  Elle va alors s’y faire admettre volontairement pour essayer de la retrouver.  Elle pénètre ainsi dans un enfer de sévices, d’humiliations et de mauvais traitements infligés à des patientes atteintes de déficiences mentales ou « enfermées Â» par contrainte familiale.  Un monde clos de la déviance et de l’hystérie gérée par d’impitoyables cerbères qui tyrannisent les résidentes.  Celles-ci doivent comme chaque année, préparer le « bal des folles Â», une soirée festive dite prestigieuse pour exposer les participantes au monde extérieur …

Un jour, Fanni retrouve sa mère, qui ne la reconnaît pas ..

Par le biais du personnage de Fanni, témoin en immersion dans ce lieu assez atroce, Arnaud des Pallières dénonce non seulement les conditions de vie de celles qui s’y trouvent mais aussi, le système mis en place par le pouvoir de l’époque et, de manière plus insidieuse, l’abject comportement de ces hommes (maris, pères, médecins corrompus, voire mandataires politiques) qui ont trouvé prétexte pour enfermer des innocentes, vraisemblablement  saines de corps et d’esprit.

Ainsi par exemple une certaine Hersilie Rouy (rebaptisée Mademoiselle Chevalier), musicienne virtuose, écartée de force de la société.

Un film fort, dur et éprouvant, interprété par de formidables comédiennes presque méconnaissables : Josiane Balasko, Marina Foïs, Yolande Moreau, Carole Bouquet, Dominique Frot, … Seule Mélanie Thierry apparaît telle qu’en elle-même dont les yeux bleus émeraude dégagent une vague petite lueur dans ce recoin obscur de l’Humanité.                                                             

André CEUTERICK

« Captives » et « Il reste encore demain » à découvrir au cinéma
Publié le 21 mars, 2024

« C’è ancora domani » (« Il reste encore demain »)

C’est l’événement de la dernière saison cinématographique en Italie, avec plus de 5 millions de spectateurs, ce qui est devenu un véritable exploit.  Et pourtant, à première vue – mais seulement à première vue – le film semble être à contre courant de tous les poncifs actuels : tourné en noir et blanc, une histoire presque banale de l’après guerre, pas de stars reconnues, etc. …  Et pourtant, c’est un très bel hommage au grand néoréalisme italien des années 50, que nous offre Paola Cortellesi, dont c’est le premier long métrage, et qui joue aussi le rôle principal.  On y retrouve un peu l’esprit social et le sens de l’observation au quotidien de Vittorio De Sica et de son « Voleur de bicyclette Â» ;

L’histoire se passe en 1946, dans un petit village d’Italie encore occupé par les soldats américains.  Délia s’abîme dans le quotidien fastidieux, entre son mari Ivano, violent et abruti, ses deux gamins, turbulents et vulgaires, sa fille aînée Marcella qui attend avec impatience son mariage avec Giulio, le fils du riche tenancier du bar local et son beau-père Ottorino, alité, malade et irascible.

A force d’abnégation et de petits boulots à la sauvette, elle réussit à mettre discrètement un peu d’argent de côté … un petit bas de laine pour un improbable avenir surprise …

Un jour, elle reçoit une lettre à son nom personnel qui semble changer son attitude et son humeur, une lettre dont on saura par la suite qu’il s’agit de sa première carte d’électrice, puisque c’est le contexte politique essentiel du film de Paola Cotellesi : le 2 juin 1946, 13 millions d’Italiennes (sur 25 millions d’électeurs) vont voter pour la première fois.

Ainsi l’histoire faussement banale de Delia symbolise ce premier mouvement d’émancipation de la femme, ancré dans la réalité sociale et humaine d’un pays en quête de reconstruction et de ré-identification.

Pour désamorcer un peu l’aspect dramatique et le machisme oppressif qu’induit la relation entre Délia et son mari, la réalisatrice introduit quelques scènes plus légères teintées d’humour, oniriques et musicales, faisant alors référence à la comédie italienne des années 60.  Un film faussement anachronique qui nous ramène à l’essentiel.

« Captives»

Le cinéaste Arnaud des Pallières s’inspire de faits réels pour restituer la dramatique histoire de ces « captives Â» internées à l’asile pour femmes de l’Hôpital de la Salpêtrière, à Paris, à la fin du 19ème siècle.

Fanni, une jeune bourgeoise, mariée et mère de deux enfants, cherche désespérément sa mère depuis 2 ans, internée de longue date  à la Salpêtrière, et dont l’administration refuse de lui donner des nouvelles.  Elle va alors s’y faire admettre volontairement pour essayer de la retrouver.  Elle pénètre ainsi dans un enfer de sévices, d’humiliations et de mauvais traitements infligés à des patientes atteintes de déficiences mentales ou « enfermées Â» par contrainte familiale.  Un monde clos de la déviance et de l’hystérie gérée par d’impitoyables cerbères qui tyrannisent les résidentes.  Celles-ci doivent comme chaque année, préparer le « bal des folles Â», une soirée festive dite prestigieuse pour exposer les participantes au monde extérieur …

Un jour, Fanni retrouve sa mère, qui ne la reconnaît pas ..

Par le biais du personnage de Fanni, témoin en immersion dans ce lieu assez atroce, Arnaud des Pallières dénonce non seulement les conditions de vie de celles qui s’y trouvent mais aussi, le système mis en place par le pouvoir de l’époque et, de manière plus insidieuse, l’abject comportement de ces hommes (maris, pères, médecins corrompus, voire mandataires politiques) qui ont trouvé prétexte pour enfermer des innocentes, vraisemblablement  saines de corps et d’esprit.

Ainsi par exemple une certaine Hersilie Rouy (rebaptisée Mademoiselle Chevalier), musicienne virtuose, écartée de force de la société.

Un film fort, dur et éprouvant, interprété par de formidables comédiennes presque méconnaissables : Josiane Balasko, Marina Foïs, Yolande Moreau, Carole Bouquet, Dominique Frot, … Seule Mélanie Thierry apparaît telle qu’en elle-même dont les yeux bleus émeraude dégagent une vague petite lueur dans ce recoin obscur de l’Humanité.                                                             

André CEUTERICK