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Clap Ciné du 31 janvier
Publié le 31 janvier, 2024

«The zone of interst »

La Palme d’Or du dernier festival de Cannes pour « L’anatomie d’une chute » de Justine Triet était incontestable.  Elle l’aurait tout autant été pour « The zone of Interest » de Jonathan Glazer qui fut finalement crédité du Grand Prix du festival.

Il adapte ici le livre éponyme de Martin Amis sorti en 2014 et raconte la vie de la famille Höss qui habite dans une belle maison bourgeoise, juste à côté du camp de concentration d’Auschwitz, en 1943, dirigé par le père, le commandant Rudolf Höss. Glazer nous donne à voir une vie banale, des réunions de famille, des disputes d’enfants, des promenades à cheval …  Jamais ce qui se passe de l’autre côté du grand mur d’enceinte ne semble les perturber …

Au loin, Glazer raconte ainsi l’horreur de la Shoah sans jamais la montrer, sans la moindre description violente ou macabre mais tout est suggéré,  d’une manière ou d’une autre : visuellement avec cette tour qui au loin crache en permanence une fumée grise ou ces restes humain emportés par le courant de la rivière voisine, mais aussi et surtout sonore avec ce bruit terrifiant du grondement des fours crématoires, avec ces cris de détresse, ces aboiements de chiens, ces coups de feu, ces ordres de tuer.  Des échos insupportables qui suggèrent l’innommable derrière ce beau jardin fleuri, en marge d’une vie de famille prétendument exemplaire.  La superposition des deux réalités glace le sang et provoque un insoutenable malaise.  Et afin de coller au plus près à la réalité « historique », Jonathan Glazer a choisi de tourner le film en Pologne et en langue allemande, reprenant même des expressions propres aux nazis.

« The zone of interest » est un film fort, qui fascine, dérange, qui illustre aussi, en quelque sorte, les théories de la philosophe Hanna Arendt sur la banalité du mal. Un film bouleversant qui fit frissonner tout le festival de Cannes en mai dernier et qui présente, par une très étonnante coïncidence, un point commun avec « L’anatomie d’une chute » : la capacité de la formidable comédienne

« Sous le vent des Marquises »

Le titre fait inévitablement penser à Jacques Brel et ses Marquises mais ce n’est pas un film sur Brel en tant que tel même si on y fait allusion à quelques événements réels de la dernière partie de sa vie.

En fait, c’est l’histoire d’Alain, acteur réputé, qui commence le tournage d’un film sur les dernières années de la vie de Brel dont il est l’interprète  (avec perruque et prothèse dentaire !).  Mais Alain a un grave problème de santé : il est atteint d’un cancer du colon.

Il quitte soudainement le tournage pour rendre visite à sa fille Lou, 22 ans, qui vit sur une île bretonne avec sa mère Valérie qui tient une maison d’hôtes et le compagnon de celle-ci, Jean, qui gère un parc à huîtres.

Celle-ci l’accueille très froidement car son père ne donne jamais de ses nouvelles et ne la voit que très rarement.  Il finit par l’informer de sa maladie et elle commence à se rapprocher de lui et … du scénario du film qu’il a déserté et qui l’intéresse beaucoup. 

Le réalisateur Pierre Godeau  dévie alors de la narration linéaire traditionnelle pour y glisser quelques scènes imaginées de la suite du tournage où Alain retrouverait le rôle de Brel prenant la mer sur le fameux voilier l’Askoy en compagnie de Lou  qui jouerait le rôle de France, la fille de Brel.

Il établit ainsi une sorte de parallélisme romanesque et un peu poétique entre la vie présente d’Alain et celle de Brel reproduite dans le scénario.

Godeau dresse ainsi le portrait d’un homme fragilisé, acteur reconnu qui a négligé sa famille pour se consacrer au cinéma. Dans les aveux de faiblesse de Alain, il y a une sincère humilité qui le rend attachant.

François Damiens réussit une belle composition de ce personnage à qui la jeune Salomé Dewaels (remarquée il y a deux ans dans « Illusions perdues » de Xavier Gianoli) donne la réplique  avec une belle énergie.

André Ceuterick

Clap Ciné du 31 janvier
Publié le 31 janvier, 2024

«The zone of interst »

La Palme d’Or du dernier festival de Cannes pour « L’anatomie d’une chute » de Justine Triet était incontestable.  Elle l’aurait tout autant été pour « The zone of Interest » de Jonathan Glazer qui fut finalement crédité du Grand Prix du festival.

Il adapte ici le livre éponyme de Martin Amis sorti en 2014 et raconte la vie de la famille Höss qui habite dans une belle maison bourgeoise, juste à côté du camp de concentration d’Auschwitz, en 1943, dirigé par le père, le commandant Rudolf Höss. Glazer nous donne à voir une vie banale, des réunions de famille, des disputes d’enfants, des promenades à cheval …  Jamais ce qui se passe de l’autre côté du grand mur d’enceinte ne semble les perturber …

Au loin, Glazer raconte ainsi l’horreur de la Shoah sans jamais la montrer, sans la moindre description violente ou macabre mais tout est suggéré,  d’une manière ou d’une autre : visuellement avec cette tour qui au loin crache en permanence une fumée grise ou ces restes humain emportés par le courant de la rivière voisine, mais aussi et surtout sonore avec ce bruit terrifiant du grondement des fours crématoires, avec ces cris de détresse, ces aboiements de chiens, ces coups de feu, ces ordres de tuer.  Des échos insupportables qui suggèrent l’innommable derrière ce beau jardin fleuri, en marge d’une vie de famille prétendument exemplaire.  La superposition des deux réalités glace le sang et provoque un insoutenable malaise.  Et afin de coller au plus près à la réalité « historique », Jonathan Glazer a choisi de tourner le film en Pologne et en langue allemande, reprenant même des expressions propres aux nazis.

« The zone of interest » est un film fort, qui fascine, dérange, qui illustre aussi, en quelque sorte, les théories de la philosophe Hanna Arendt sur la banalité du mal. Un film bouleversant qui fit frissonner tout le festival de Cannes en mai dernier et qui présente, par une très étonnante coïncidence, un point commun avec « L’anatomie d’une chute » : la capacité de la formidable comédienne

« Sous le vent des Marquises »

Le titre fait inévitablement penser à Jacques Brel et ses Marquises mais ce n’est pas un film sur Brel en tant que tel même si on y fait allusion à quelques événements réels de la dernière partie de sa vie.

En fait, c’est l’histoire d’Alain, acteur réputé, qui commence le tournage d’un film sur les dernières années de la vie de Brel dont il est l’interprète  (avec perruque et prothèse dentaire !).  Mais Alain a un grave problème de santé : il est atteint d’un cancer du colon.

Il quitte soudainement le tournage pour rendre visite à sa fille Lou, 22 ans, qui vit sur une île bretonne avec sa mère Valérie qui tient une maison d’hôtes et le compagnon de celle-ci, Jean, qui gère un parc à huîtres.

Celle-ci l’accueille très froidement car son père ne donne jamais de ses nouvelles et ne la voit que très rarement.  Il finit par l’informer de sa maladie et elle commence à se rapprocher de lui et … du scénario du film qu’il a déserté et qui l’intéresse beaucoup. 

Le réalisateur Pierre Godeau  dévie alors de la narration linéaire traditionnelle pour y glisser quelques scènes imaginées de la suite du tournage où Alain retrouverait le rôle de Brel prenant la mer sur le fameux voilier l’Askoy en compagnie de Lou  qui jouerait le rôle de France, la fille de Brel.

Il établit ainsi une sorte de parallélisme romanesque et un peu poétique entre la vie présente d’Alain et celle de Brel reproduite dans le scénario.

Godeau dresse ainsi le portrait d’un homme fragilisé, acteur reconnu qui a négligé sa famille pour se consacrer au cinéma. Dans les aveux de faiblesse de Alain, il y a une sincère humilité qui le rend attachant.

François Damiens réussit une belle composition de ce personnage à qui la jeune Salomé Dewaels (remarquée il y a deux ans dans « Illusions perdues » de Xavier Gianoli) donne la réplique  avec une belle énergie.

André Ceuterick